Crée en 1964 tout comme la compagnie d’Ariane Mnouchkine, l’Odin Teatret d’Holstebro est invité au Théâtre du Soleil, dans un « troc » de richesses cher aux principe du « Tiers-théâtre » selon Eugénio Barba. Les Grandes villes sous la Lune, deuxième pièce présentée par la troupe durant son séjour parisien, est une oeuvre jouée, chantée, dansée et virevoltante, malgré les sujets du traumatisme de guerre, et de la violence de l’altérité. Plusieurs figures défilent: un soldat écrivant à sa mère les paradoxes de ses « missions de paix » en zones de génocides, des exilés tricotant le fil de leur souvenir et leur conflit d’appartenance empêchant toute forme d’attachement pour le pays d’accueil, l’enfant muette sacrifiée de Mère Courage dans un hommage à Brecht; les voix, les chants sublimes, la danse de masques du théâtre asiatique…. Les interprètes sont très beaux, et musiciens émérites. On est les deux pieds dans le « Tiers-théâtre »: une forme théâtrale troubadour, avec le groupe au centre de tout et une dimension politique intense; le théâtre qui se loge à l’interstice du social pour le regarder face à face. Mais l’élégance et la poésie de la mise en scène sont telles qu’il ne se dégage nulle violence; au contraire une humanité superbe que chaque membre du groupe prolonge. Le corps est intensément engagé. On pourra songer au Tanztheater Wupperthal de Pina Bausch; d’ailleurs l’Odin Teatret, boudé par Oslo, s’est lui aussi implanté dans une petite ville du Danemark qu’il a métamorphosée pour toujours. Courez voir cet enchantement, le phénomène est rare, l’émotion immense.
Théâtre
Les grandes villes sous la lune, Odin Teatret, Eugenio Barba, Théâtre du Soleil du 8 au 20 mars
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