Au Théâtre La Colline jusqu’au 23 avril Stanislas Norday nous propose une intense mise en scène des Justes d’Albert Camus.
Les Justes, ou l’abîme de la révolte. Dans cette pièce de 1949, l’homme révolté de Camus déploie toute l’étendue de ses interrogations, l’ambiguïté et la tragédie de sa position, son immense valeur et sa misérable situation.
L’action de la pièce s’inspire des événements historiques de la Russie du début du siècle dernier lorsque le Parti socialiste décide et réussit à exécuter à la bombe le grand-duc Serge. Les trois protagonistes de l’Histoire, Ivan, Stepan et Dora, ici incarnés respectivement par Vincent Dissez, Wajdi Mouawad et Emmanuelle Béart, représentent les différentes façons d’être terroriste, ils étirent toutes les facettes contenues dans la nécessité et dans les limites de la violence politique et dans son but social imparfait et ambigu.
Quelle valeur possède la vie d’un homme ? Celle d’un homme au pouvoir ? Celle d’un jeune intellectuel ? Et celle d’un enfant riche ? Le suicide de l’exécuteur est-il une forme de légitimation de l’assassinat ? L’intelligentsia peut-elle agir au nom du peuple et conduire vraiment le peuple à sa libération ? Les générations futures sont-elle le seul espoir de rachat de ces terroristes qui refusent le salut divin ?
Un décor à la fois essentiel et imposant, un jeu extrêmement affecté et étiré dans la durée, des comédiens qui, ne se touchant presque jamais et même ne se regardant qu’à peine dans les yeux, personnifient avec force et intensité le système clos de différents discours idéologiques qui se confrontent : leurs corps deviennent pur dialogue, un questionnement complexe et inachevé, toujours à reproposer avec acharnement, sur les possibles raisons et sur les justifications éthiques d’un geste violemment radical et politiquement fondamental.
http://www.colline.fr/les-justes.html
Gloria Morano
© Etat-critique.com – 18/04/2010