Cinéma

L’histoire de Souleymane, Boris Lojkine


Un homme pressé. Par le temps. Par les autres. Par l’histoire. Un portrait bouleversant des nombreuses ombres que l’on devine mais que l’on ne regarde jamais vraiment.

Il y a une seule scène où l’on souffle dans ce film discret et puissant: Souleymane, le livreur exploité aide René, un vieux monsieur en difficulté pour préparer sa pizza. Un petit moment tendre où Souleymane devient autre chose que le type qui dépose vos repas chez vous.

Un moment simple et tellement important pour ce héros qui ne fait que subir constamment. Dans deux jours, il doit passer un entretien pour valider ou non son asile en France. Il dort dans un dortoir social, prend l’identité d’un ami pour ses livraisons, doit gérer les doutes de sa fiancée et se demande ce qu’il fait ici…

Car le Paris nocturne devient une sorte de labyrinthe coloré où la violence est beaucoup moins sourde qu’en journée. Souleymane est une victime et ne profite aucunement du système. Il est un petit rouage de l’exploitation acceptée et une authentique victime d’une administration absurde.

Le film devient alors un thriller social qui nous amène à prendre conscience, sans angélisme, de la honteuse condition des sans papiers en France. La réalisation colle à son personnage principal et nous rappelle presque les règles dépouillées de Lars Von Trier: être au plus près du sujet et faire sentir ses angoisses et ses joies. Le Dogme 95 cherchait une forme de vérité dans le 7e art: c’est ce que fait le cinéaste Boris Lojkine.

Il nous fait respirer l’enfer d’un homme perdu et surtout pressé. Seuls la vitesse et le déplacement sont autorisés à un migrant qui n’aspire qu’à la paix et à la certitude d’exister quelque part. C’est une perpétuelle course contre la montre et c’est épuisant. En une heure trente, le réalisateur nous amène à un constat amer et désespérant où l’individu est broyé malgré tous ses efforts.

C’est bien entendu utile de voir ce film car le cinéma nous amène à regarder autrement le quotidien et casse une fois de plus les clichés et les conventions. C ‘est une oeuvre crue, qui vient vous cueillir sur vos certitudes et surtout vos émotions. C’est une histoire. Toute petite mais tout à fait importante.

Avec Abou Sangare, NIna Meurisse, Alpha Oumar Saw – Dire – 1h32

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