Quelques-unes de ces veines se rejoignent dans L’horizon, avec une nouveauté que nous accueillons avec émotion : l’irruption du temps présent. Incroyable mais vrai, Modiano situe une partie de son histoire dans un endroit qu’on jugeait à tort très éloigné de ses obsessions : aujourd’hui.
L’histoire semble d’abord émerger de la gangue du souvenir, mal dégrossie. Jean Bosmans, écrivain d’une soixantaine d’années, se rappelle des moments vécus à Paris, quarante ans auparavant et surtout une jeune fille qu’il avait croisée un soir de manifestation, place de l’Opéra, Margaret Le Coz.
La phrase ciselée de Modiano nous entraine dans un passé incertain où l’on s’accroche à des noms, noms de lieus, de rues, de personnes pour ne pas tomber dans le brouillard. Plus que jamais, les histoires d’amour sont des songes que le passé transforme en pièces de puzzle et l’on se demande s’il y eut un jour une unité.
Avec le temps, la magie Modiano n’opère plus obligatoirement ou automatiquement, cela dépend de l’état d’esprit du lecteur. Parfois il a l’impression de relire un texte déjà lu auparavant. Parfois, et c’est le cas içi, il est saisi par l’émotion métaphysique qui sous-tend le texte.
L’âge venant, les récits de Modiano se concentrent davantage sur leur noyau dur. Solitude, incommunicabilité, fugacité de la mémoire et éparpillement du temps présent, cet homme qui cherche souvent ses mots dans les émissons de télé, trouve constamment les mots justes pour nous conter les tourments du jadis et du maintenant.
Et puis la fin du roman apporte une ouverture inattendue. C’est alors un nouveau roman qui commence et nous en sommes les auteurs au même titre que Patrick Modiano, cet écrivain si touchant dont les œuvres nous accompagnent depuis plus de 40 sans.
176 pages – Folio