Charles Jacquet (Michel Fau), la petite soixantaine bedonnante, est fier de lui : Sous-Secrétaire d’État à la Famille, il vient de faire adopter la fermeture des maisons closes et d’alourdir les peines frappant l’avortement.
Problème : une avalanche de bébés va lui tomber dessus en rentrant chez lui, après sa journée de travail. Son fils attend un enfant hors mariage et sa femme, Olympe (Catherine Frot), est enceinte. Il se passerait bien de ces grossesses qui viennent compliquer sa vie et télescoper la morale qu’il revendique.
« Je t’ai fait un enfant ? A ton âge, ça n’est pas sérieux ! »
En parlant d’âge, et sans vouloir être désobligeant, il y a quand-même un côté surréaliste à confier le rôle d’un personnage censé avoir la quarantaine à une comédienne qui, à la ville, a près de 70 ans. Malheureusement, Michel Fau (qui signe la mise en scène) n’utilise pas ce décalage pour en faire quelque chose de comique ; il fait comme si de rien n’était et signe, d’une manière générale, une mise en scène classique au possible, aussi plate et prévisible que le texte de la pièce.
Mais qu’est-ce qui a pris à Michel Fau de monter cette comédie qui aurait pu s’appeler Retour vers le futur tant on se croirait revenu dans les années 1950 ?! Le texte écrit en 1951 par André Roussin (qui deviendra Académicien en 1973) est terriblement bourgeois et daté, ce qui plait manifestement à un certain public qui y trouve toujours son compte, même au XXIème siècle.
En ce 29 mai 2024 au Théâtre Montansier de Versailles, les spectateurs grisonnants et bourgeois sont venus voir des célébrités. C’est un bon public, c’est-à-dire un public indulgent et conquis d’avance (Michel Fau est d’ailleurs applaudi avant même d’avoir prononcé un mot). Il faut dire que ce soir, le Bourgeois et sa bourgeoise ne seront pas choqués, on les brocardera très gentiment avec un humour de bon ton légèrement suranné. Cela donne ce genre de répliques:
- (à propos d’une femme enceinte) « J’espère qu’elle ne couve rien. »
- (au téléphone avec la grand-mère qui entend mal) « Son voyage tombe à l’eau. Non, je dis: son voyage tombe à l’eau. Allo ? »
- à chaque évocation d’un couple qui attend un enfant : « Mais comment ont-ils fait?! » (C’est le running gag de la pièce…)
Les gags sont pathétiques, les quiproquos et le dénouement se voient arriver à des kilomètres et la pièce n’a aucun rythme. Cela fait bientôt deux ans qu’ils tournent et, manifestement, ils sont tous fatigués de jouer cette histoire qu’ils récitent presque mécaniquement. La mollesse des comédiens est renforcée par un décor en entonnoir qui réduit l’espace scénique à quelques mètres carrés et leur interdit presque de bouger. Michel Fau n’a même plus la force de cabotiner, et seule Catherine Frot a parfois quelques sursauts d’énergie. Et je ne vous parle même pas des seconds rôles…
Pour tout dire, je n’ai pas ri une seule fois en deux heures et j’ai eu l’impression de passer la soirée avec Édouard Balladur. Mais ce qui m’a troublé, c’est que dans la salle, tout le monde semblait s’amuser, à l’exception notable de ma sœur et de moi qui avons ce soir-là tenu le rôle des deux vieux du Muppet Show. Les seuls qui avaient l’air de s’emmerder autant que nous deux, c’étaient les comédiens !
Jusqu’au 1er juin 2024
Théâtre Montansier Versailles
de 15€ à 39€
De André Roussin, mise en scène Michel Fau assisté de Quentin Amiot
Décor Citronelle Dufay, costumes David Belugou, lumières Antoine Le Cointe
avec Catherine Frot, Michel Fau, Agathe Bonitzer ou Laure-Lucile Simon, Quentin Dolmaire ou Baptiste Gonthier, Hélène Babu ou Anne-Guersande Ledoux, Sanda Codreanu, Maxime Lombard