Art-scène, Spectacle comique, Théâtre

Môa, Sacha, Christophe Barbier, Théâtre Poche Montparnasse

 

Formidable. Voilà qui résume la prestation de Christophe Barbier et des deux autres comédiens (Chloé Lambert et Pierre Val).

Volontairement, le « journaliste qui a un avis sur tout », comme il le précise avec humour dans la pièce, est le grand Sacha, mais également son double. Et différent. Comme son prédécesseur, il réinvente. Loin de l’élégante veste intérieure de Guitry, il a opté pour un peignoir rouge informe. Mince, quand l’autre était imposant, sa coiffure, ses lunettes, tout le rappelle pourtant. Et c’est ça, le miracle. Guitry est là, avec nous, qui ne l’avons pas connu, mais l’imaginons parfaitement ainsi, lorsqu’il est interrogé par un juge en août 1945, pour des soupçons de collaboration, et ne peut s’empêcher de jouer avec les mots.
Mais ce « prélude » n’est qu’un voyage à travers la vie du grand homme : son œuvre, ses amours, ses personnages… Et lui, lui, quel personnage !

 

Guitry est partout présent ici, dans ses mots, ses opinions, sur la vie, l’argent, la mort. Et surtout, les femmes, qu’il a tant aimées. On songe surtout à trois d’entre elles : Yvonne Printemps, Jacqueline Delubac, Lana Marconi. Bien sûr, elles avaient une vie, voire une carrière, avant Guitry, mais que seraient-elles devenues sans lui ? Sans ce mécène, ce Pygmalion, sensible et cynique à la fois…
Il a aussi permis à l’ineffable Pauline Carton de jouer les bonniches, les gouvernantes effrontées, les concierges… Après lui, d’autres y ont pensé.

Christophe Barbier, qui a conçu le spectacle, a fait le choix d’une mise en scène originale. Par moments, alors qu’on s’y attend le moins, il redevient lui-même et apostrophe ses deux acolytes qui, eux aussi, se transforment. Celui qui joue tout à la fois le juge et le père, l’écrasant Lucien Guitry, c’est le comédien Pierre Val, qui change de peau, de style sans aucune difficulté, avec naturel, humour et aisance.
Quant à Chloé Lambert, elle EST les cinq femmes de Sacha Guitry. « Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre,» (Paul Verlaine).
Et dans ses robes charleston, ses manteaux, ses tenues parfois sensuelles et souvent chic, on y croit, à chaque seconde. Ses trouvailles scéniques (choix de l’ombre, paravent ou lumière), les chansons qu’elle fredonne, lui confèrent une touche supplémentaire de talent. Frissonnante à la fin, je fais un rêve : avoir connu Sacha, Lana, Jacqueline, Yvonne et les autres.

 

Moâ, Sacha !
Théâtre de Poche-Montparnasse, jusqu’au 10 juillet 2019, les mardis et mercredis à 21 H

 

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