Hommage à un audacieux inconnu : Jonas Netter
Jonas Netter est inconnu du grand public. Collectionneur et complice du marchand d’art Zborowski, son regard et son soutien ont été primordiaux pour la révélation d’artistes tels que Modigliani ou encore Soutine, mal-aimé de la famille Zborowski. Ses œuvres sont exposées à la Pinacothèque de Paris pour le plaisir des yeux et une bascule historique dans le Montparnasse du début du XXe siècle. Ce tournant esthétique qui n’en finit pas ces derniers mois d’exposer à Paris ces artistes fondateurs de l’art moderne – l’aventure des Stein, Matisse, Munch- et d’un nouveau métier devenu à la mode : marchand d’art. Netter est de ceux-la, comme Paul Guillaume, Boucher, les Stein, Barnes, Kahnweiler. Marchand d’art, collectionneur ou mécène ? Le lien complexe qui unit l’artiste à son mécène humaniste ou riche argentier n’a pas fini de faire couler de l’encre.
Outre les toiles présentées, l’exposition offre l’avantage de reproduire quelques échanges épistolaires entre les artistes et leur commanditaire, mécène et marchand-collectionneur. Le revers de la médaille n’est pas reluisant. Si Modigliani peint un superbe portrait de Zborowski, hâbleur et séducteur dans l’âme, la nature de la relation ne fait guère illusion. Une relation de servitude maître-valet qui dénature largement la beauté du portrait du marchand, peu scrupuleux et fantasque. Les artistes ont besoin d’argent pour exister et Zborowski le sait, lui qui se sert également de Netter pour payer les toiles de ses artistes en lesquels il croit plus ou moins.
L’exposition nous dévoile donc les artistes dont Netter s’est occupé avec, puis sans Zborowski, dont il se sépare tardivement. L’hétérogénéité des styles démontre toute l’énergie déployée à l’époque pour sortir du cadre esthétique traditionnel. Suzanne Valadon, Paresce, Utrillo, Kikoïne, Kremegne, Derain, Modigliani et surtout Soutine qui sort grand gagnant de cette exposition, nous en mettent plein les yeux. Si les paysages de Valadon sont hétérogènes dans le style, les couleurs de ses nus et de ses portraits sont une grande réussite. La Fillette en Bleu de Modigliani vous accueillera ensuite grands yeux ouverts.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, si vous espérez ne voir que des Soutine ou des Modigliani, ce n’est pas sur cette exposition qu’il faut compter. L’exposition pourrait tout autant s’appeler Utrillo Soutine. Le fils de Suzanne Valadon a presque autant d’œuvres exposées que Modigliani. Le reste est dédié à des artistes moins connus mais tout aussi importants pour les yeux. C’est l’autre atout de l’exposition. Admirez Paresce et son paysage coloré aux formes géométriques, mélange de couleurs fauves et de cubisme : La Maison derrière les arbres.
Attardez-vous sur Krémègne et Kikoïne, ces artistes amis de Soutine qui viennent dans la capitale parisienne apprendre, exposer leur art en s’installant à la Ruche. Krémègne donne dans une expression plastique. Une démesure reprise par la matière de Soutine. Tandis que Kikoïne s’inspire des paysages de Soutine, un étonnant trio.
Et puis, attendez-vous à en prendre plein les yeux avec les bleus et les jaunes pris aux pièges dans les toiles de Soutine. Bleu dans l’impressionnante Folle. Jaune dansL’Homme au chapeau qui trône, grandiose, au milieu de la salle. Un chef d’oeuvre. La rupture est totale avec le reste de l’exposition. Le portrait lointain de Soutine réalisé par Modigliani vu en début d’exposition éclate. L’apparente sagesse vole en éclat devant cette intériorité éventrée sur ses toiles. Les Grands arbres bleus de Céret poussent le cadre de la toile et ne demandent qu’à sortir. Tension. Magnifiques Autoportrait au rideau et Jeune femme délavés par le temps et une humanité marquante. Que La Fillette à la robe rose de Soutine nous paraît loin de la Fillette en bleu de Modigliani ! Celle de Soutine est avalée par le noir qui l’entoure, celle de Modigliani est en harmonie avec le fond, presque transparente. Le plaisir est immense.
A remarquer également, l’Homme aux masques de Raphaël Chanterou, une œuvre énigmatique et théâtrale. Mais aussi des Vlaminck, des Kisling et des Derain…
Marc Restellini réunit à la Pinacothèque des œuvres marquantes de l’histoire de la peinture. La collection Netter mérite amplement cet hommage éclairé de plusieurs mois. L’universalité des œuvres accrochées est la meilleure preuve de la justesse du regard passionné de Jonas Netter. A dévorer des yeux, de Modigliani à Soutine en passant par Valadon et Derain.
Sébastien Mounié © Etat-critique.com – 02/05/2012
Murielle Levy
Le 16/04/2012
Bonjour,
Je me permets de vous contacter car j’ai vu que nous avions un point d’intérêt commun : le peintre Chaïm Soutine.
Après trois ans de recherches à travers toute l’Europe, auprès de personnes l’ayant connu et de collectionneurs, etc, j’ai produit un film documentaire qui relate son parcours, son oeuvre.
Il s’agit du seul film à l’heure actuelle traitant de cet artiste fascinant.
Le documentaire « Chaïm Soutine » est disponible à la vente au format DVD au tarif de 25 euros, frais de port compris pour la France métropolitaine (30 euros hors Métropole) => http://www.lesproductionsdugolem.com/soutine_golem.html
Merci et à bientôt
Murielle Levy