Art-scène, Théâtre

Mort d’un commis voyageur, Arthur Miller, Philippe Baronnet, Montansier

Une pièce de 2h30 sans entracte?! J'avoue avoir eu un peu peur de m'ennuyer. Au contraire, j'ai eu la chance d'assister à un spectacle captivant, porté par des comédiens impressionnants.

Une pièce de 2h30 sans entracte?! J’avoue avoir eu un peu peur de m’ennuyer. Au contraire, j’ai eu la chance d’assister à un spectacle captivant, porté par des comédiens impressionnants.

L’entrée en matière de la pièce est belle, visuellement parlant. Pas de panneaux de décor, une scène vide traversée par des silhouettes style années 50 (feutre et trench-coat) qui marchent à vive allure.

Puis les comédiens apportent un lit, une table, un portemanteau… Et nous voici chez Linda et Willy Loman, un voyageur de commerce sur le retour (il a 63 ans) qui rentre épuisé de sa tournée.

Très vite, on comprend que Willy est en pleine confusion et qu’il est usé par 34 ans passés sur la route à démarcher le client.

Il soliloque, il se réfugie dans la nostalgie d’un temps passé où il y avait encore des arbres dans son quartier et où la communication avec ses enfants était facile. Ses deux fils qui, maintenant, espionnent avec inquiétude leur père qui décaroche tout seul dans sa cusine.

Car il y a quelque chose de pourri au Royaume des Lonan. À bientôt trente ans, Biff (Marc Lamigeon), le fils aimé, se cherche encore. Happy, le cadet compense en faisant tomber les filles comme des quilles de bowling. Quant à Linda, elle feint d’être dupe de la forfanterie de son mari, autoproclamé « Roi de la Nouvelle-Angleterre ».

Tout le monde joue la comédie de la réussite mais étouffe sous la pression sociale.

« Tu ne peux pas tâter le terrain toute ta vie, Biff !»
« Passer toute sa vie à gérer des stocks ?! »

L’interprétation de Vincent Garanger dans le rôle de Willy m’a beaucoup impressionné. Il joue de façon réellement convaincante un homme confus, passant en un souffle de la vitalité débordante au désarroi le plus complet. Pour autant, le spectacle n’est pas centré sur la performance (et quelle performance !) de ce seul comédien. C’est un beau travail de troupe où tout le monde est à l’unisson.

Les autres interprètes ne sont pas en reste. La scène où Linda explique à ses fils qu’ils doivent respect et admiration à leur père est bouleversante. Le public est attentif et fasciné, l’atmosphère dans la salle se densifie.

La mise en scène est fluide, il n’y a pas de temps mort entre les scènes et pas de place pour l’ennui. Au contraire j’étais subjugué par l’intensité du drame et par la force de l’interprétation qui plonge le public dans une concentration et un silence absolus.

La scénographie est dynamique et belle esthétiquement.

Grâce à quelques effets simples en apparence, on voyage à travers les lieux et les époques. On retourne une nappe, on change une chaise et hop, on passe d’un restaurant guindé à une cuisine modeste. Par le jeu des costumes, on traverse les épisodes de la vie des personnages, sur une période de plus de vingt ans. Et le travail sonore est bien maîtrisé.

C’est un spectacle impressionnant de maîtrise de justesse et d’émotion, sans jamais tomber dans la démonstration de prétention. C’est sobrement magique.

Jusqu’au 09 novembre 2024
Théâtre Montansier Versailles
2h30

De Arthur Miller, traduction Kelly Rivière, mise en scène Philippe Baronnet, lumières Maxime Rousseau, son Haldan de Vulpillières avec le renfort en régie de Jean-Baptiste Augros, costumes Emilie Baillot, perruques, maquillage Cat Vandamme, collaboration artistique Alain Deroo, Marie-Cécile Ouakil, Michaël Pruneau,
avec Vincent Garanger, Anne Cressent, Marc Lamigeon, Romain Fauroux, René Turquois, Samuel Churin, Nine de Montal, Philippe Baronnet
production Jérôme Broggini, production déléguée Les Échappés vifs


coproduction Théâtre Montansier/Versailles, Théâtre de Rungis, Le Trident Scène nationale/Cherbourg-en-Cotentin, Théâtre municipal/Coutances, DSN Dieppe Scène nationale, CA Mont Saint-Michel Normandie

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