Est-ce à cause du titre ? (Nos vies en flammes.) Est-ce à cause de l’illustration sur la couverture ? (Des arbres en feu.) Est-ce parce que je venais de terminer Il pleuvait des oiseaux, de Jocelyne Saucier? (Un livre dans lequel où l’autrice évoque les grands incendies dans l’Ontario au début du XXème siècle.)
Toujours est-il que je m’attendais à une épopée sur fond de grands incendies aux États-Unis, et que j’ai été un peu déçu de constater que Nos vies en flammes (n’) était (qu’)un polar, même si le livre comporte d’intéressants passages sur la dépendance à la drogue, sur la mécanique biaisée des junkies, sur la spirale qui conduit un pauvre bougre des antidouleurs aux drogues illégales.
Comme pour montrer qu’il sait de quoi il parle et insister sur la véracité de son roman, David Joy prend à plusieurs reprises ses distances avec la fiction : « Ce n’est pas comme au cinéma, Denny » (page 267), « De fait, les choses se déroulaient rarement comme dans les films. » (page 293). Mais ces passages qui sonnent juste n’empêche malheureusement pas l’auteur de recourir à des personnages assez stéréotypés (le méchant trafiquant sans scrupules ni empathie, le papy vengeur…), ni de bâtir un scénario assez artificiel.
David Joy aime les aphorismes. « Une vie n’est rien que la somme de ses hiers. » (page 79) ; « Parfois, quand tout le monde pointait du doigt dans la même direction, la chose la plus intelligente à faire était de regarder. » (page149) ; « C’était étrange comme dans ce monde tout partait parfois en couilles, alors qu’à d’autres moments les étoiles s’alignaient comme si vous étiez né avec un fer à cheval dans le cul. » (page 190) ; « Des empires étaient bâtis et détruits par l’arrogance. L’amour propre suffisait à rendre les hommes aveugles » (page 293) ; « Les dilemmes moraux n’avaient jamais aucune chance face à un shoot. » (page 101)
Comme d’autres auteurs américains (Pete Fromm, par exemple) David Joy revendique un lien fort, viscéral, avec son environnement, ses montagnes, son patelin. Mais c’est, comment dire, une relation un peu brute aux choses, comme si tout relevait du rapport de force. David Joy s’en explique d’ailleurs de façon très intéressante dans l’article qui sert de postface au livre : « Aujourd’hui, je gagne ma vie en tant que romancier. J’écris des histoires pleines de drogue, de violence, de pauvreté, enracinées dans l’atmosphère qui va avec. Et si je parle de ça, c’est parce que je ne connais rien d’autre. » Certes. Mais d’aucunes parlent de sujets violents d’une autre façon (Jeanine Cummins dans American Dirt, par exemple).
J’ai une amie très chère et féministe qui ne lit plus que des romans écrits par des femmes, car elle affirme avoir lu assez de livres commis par des hommes. Je ne me rendrai pas à cette extrémité mais, à la lecture de David Joy, je comprends assez bien la position de mon amie. Car il s’agit ici d’un livre de mec, de bonhomme, où les femmes ne jouent aucun rôle. Il y a deux personnages féminins, l’une qui se contente de sa petite vie sans histoires et l’autre, fliquette, à qui l’on fait ce drôle de compliment: « je crois pas que t’aies besoin d’un homme pour quoi que ce soit » (page 137). Il est également assez troublant de voir qu’à la fin du livre, l’auteur remercie son chien avant sa femme…
Si vous êtes un mec, un vrai, ce livre est pour vous.
Parution le 19 janvier 2023
chez 10/18 Collection Littérature étrangère
336 pages / 8,50€
Fabrice Pointeau (traduit par)