L’élégance et la légèreté d’André Dussolier dans une fable de Baricco.
André Dussolier rêvait de pouvoir monter ce monologue d’Alessandro Baricco, auteur reconnu en Italie et si méconnu en France. Jean-Michel Ribes leur offre un plateau. André Dussolier est seul en scène à conter cette histoire d’une belle humanité, accompagné à cour par un quatuor composé du pianiste Elio Di Tanna, du trompettiste Sylvain Gontard, du batteur Michel Bocchi et du contrebassiste Olivier Andrès. Dans un univers réaliste, le quintet d’un soir nous propose une belle adaptation de la partition théâtrale de Baricco avec pour seuls artifices quelques cyclos finement décorés et un escalier mobile.
Novecento raconte l’histoire d’un enfant abandonné dans une boîte sur le pont de première classe d’un Paquebot transatlantique nommé le Virginian. Cette boîte est posée sur un piano, signe d’un destin. Cet enfant, surnommé Novecento, grandira dans ce paquebot aux allures de prison flottante, apprendra le piano pour devenir un virtuose à la créativité débordante. L’inattendu prodige.
L’enfant devient homme, écoute les voyageurs, sans jamais mettre le pied à terre. Il invente son monde en musique, dans la contrainte des 88 notes de son clavier, dans la contrainte de ce bateau qui ne fait que des allers-retours, entre les continents Europe et Amérique. Il entend par hasard Titine du migrant Chaplin, joue des Gymnopédies, du Bach, un balbutiement du melting-pot américain.
Novecento, c’est surtout 1900. Le jazz est là, comme une révolution de la dissonance. En construction sur, en construction avec les phrases classiques. Ca ragtime.Ca blues. Ca swing. Entre 1900 et 33, aube de la guerre, Novecento le pianiste crée. La musique, comme relais de l’émotion, enchante le plateau et dynamite un Dussolier trompettiste dans la fable, Monsieur Loyal et conteur sur scène. Un Dussolier plaisir qui n’a aucune peine à tenir le grand plateau du Rond-Point et à nous embarquer dans son récit autobiographique.
Elégante, lègère comme peut l’être l’acteur de Resnais, la pièce peint l’authenticité d’un territoire, la possibilité d’une île, comme source des plus belles évasions et des plus belles audaces. Un hommage à la liberté d’être et de devenir. De très beaux moments de vie traversent le spectacle, notamment quand André Dussolier trompettiste se laisse porter par une musique endiablée jouée par un pianiste en osmose avec l’océan, ou encore lorsque Novecento raconte en fin de parcours pourquoi il n’a jamais réussi à vivre sur terre. Le monde a trop de possibles pour être bon musicien. « Sur ce clavier-là, il n’y a aucune musique que tu puisses jouer. Tu n’es pas assis sur le bon tabouret : ce piano-là, c’est Dieu qui y joue. »
Le texte donne une bonne bouffée d’air théâtrale et musicale. Un joli conte humaniste sur l’amitié, les forces de la créativité et de la finitude. La pièce avait été présentée en 2014 au Rond-Point, avec le temps, elle s’est embellie.
Piano sur l’eau / Novecento par WebTV_du_Rond-Point
http://www.theatredurondpoint.fr/