Ça se passe dans les années 90 au fin fond de la Chine. L’inspecteur Ma Zhe trompe son ennui entre des parties de pingpong avec son chef, grand patriote, et ses paquets de cigarettes. Lorsque des meurtres sont commis au bord de la rivière, il se confronte à une réalité sordide qui va le broyer.
C’est donc un thriller. Il y a un mystère. Il est enfoui dans la folie des hommes et le pauvre héros doit aller le chercher. Le réalisateur Shujun Wei fait tout pour nous mettre dans un ambiance acre et malaisante. Il pleut tout le temps. La région vit sous un perpétuel crépuscule.
Le film débute comme un polar puis, comme son héros, va basculer vers autre chose. On se met même à penser à David Lynch. D’ailleurs l’acteur principal est extraordinaire. Zeng Meihuizi est dans une espèce de torpeur qui cache en réalité une fureur sourde mais qui sort de plus en plus au fil de l’enquête. Le regard du flic devient une énigme supplémentaire dans une œuvre qui devient opaque. Au point de dérouter dans sa dernière partie.
Car le film est aussi un film social. Comme toujours dans le cinéma chinois qui arrive chez nous, la subtilité se trouve dans l’illustration. Les détails sont intéressants. La description de la vie d’usine, du commissariat (qui remplace un cinéma, ce qui n’est pas anodin évidemment) et même du couple: tout est réuni pour comprendre la machine à broyer. Les individus sont des pantins. Il est impossible d’être autre chose que ce que vous dit la société. Froide et implacable.
Et pourtant le film va glisser vers un flou émotionnel qui surprend. L’idée de tourner le film en 16mm apporte un trouble physique qui va servir une dérive vers une déprime totale où la logique perd prise. Les tourments du personnage principal sont mis en images. Ils étonnent mais nous passionnent aussi. Car le film est osé. Il ne cherche pas la sympathie du spectateur. Il va au bout de son idée. Cela explique son pessimisme: cela donne à voir une œuvre atypique.
Au cinéma le 10 Juillet 2024
Avec Zeng Meihuizi, Yilong Zhu, Tianlai Hou et Kang Chunlei
Ad Vitam –