Après Mon ami Dahmer, Derf Backderf confirme qu’il est un très grand dessinateur indépendant, américain, soucieux de défendre la contre culture et la douce anarchie. En période d’intolérance et de violence, cela rassure!
Otto Pizcok, alias Le Baron, est un marginal. C’est un grand costaud qui n’a pas vraiment sa place dans le lycée. Les sportifs l’humilient et il est incapable de se comporter normalement. Mais c’est justement sa singularité qui va faire de lui un héros hors catégorie, entre révolte et fin d’adolescence.
Avec l’aide de deux amis, Otto va découvrir le rock et le punk. Nous sommes au début des années 80 et Otto ne sait pas qu’un trésor se cache dans sa vie un peu pourri, entre son mobil home, sa voiture fantasque et son évidente solitude et la médiocrité qui lui pend au nez: The Bank.
Un temple de la musique. Le jeune homme croise d’abord Klaus Nomi puis les Ramones et beaucoup d’autres figures du sacré et putain de rock’n’roll. Parce qu’il est bizarre, Otto devient une figure de The Bank. La musique va changer sa vie.
Comme dans sa précédente bande dessinée, l’anguleux Derf Backderf observe le petit peuple, l’adolescence cruelle et fragile, l’angoisse existentielle qui peut terrasser des existences. Entre Larry Clark et Robert Crumb, Derf Backderf est un fin scrutateur de l’Amérique pauvre, blanche et un peu réac. Le dessin en noir et blanc est drôle, inhabituel et iconique. Otto impressionne par son charisme naissant et sa loufoquerie plus ou moins candide.
La bédé célèbre la passion face à la petitesse, spécialité américaine selon l’auteur. Il dépeint avec un humour ravageur la sauvagerie et la révolte du rock’n’roll à l’aube des années Reagan. Il retrouve parfaitement l’esprit punk et nous fait sentir les émotions, les vibrations et même les notes agressives de musique.
Son récit s’articule sur des anecdotes et des faits d’armes souvent hilarants. C’est aussi touchant, une célébration pétaradante de la différence et une vision rugueuse de la vie adolescente. En deux bédés, Derf Backderf pourrait devenir un grand nom de la bande dessinée.
Ca&La – 154 pages