Rock

Rain Dogs

S’il ne vous faut qu’un Tom Waits, c’est le foisonnant « Rain Dogs », plongée dans le bas ventre de New York, avec en prime la guitare de Marc Ribot.

Après Swordfishtrombones, c’est le deuxième album de sa période Island. On y retrouve les mêmes ingrédients : une musique plus personnelle, plus déjantée, pleine d’instruments incongrus en cette décénnie de synthés et de boîtes à rythme : contrebasses, marimbas, trombones, banjos, et toujours ces percussions d’origine indéterminée : « si on ne trouvait pas le bon son sur la batterie, on ramenait un vieux meuble de la salle de bains et on cognait dessus avec un morceau de planche« , raconte Tom.

Mais Rain Dogs couvre plus de territoire que son prédécesseur. Avec ses 19 titres, c’est un faux double-album, un disque-grenier, en quelque sorte son « double blanc ». Musicalement, ça part dans toutes les directions,  en une exploration des racines de la musique américaine, de toutes ces saveurs musicales apportées par les immigrants volontaires ou forcés qui se retrouvaient souvent dans les culs de basse-fosse de la Grosse Pomme. Accordéon tzigane, jazz New-Orleans, polka, blues, country, on entend un peu de tout cela, passé à la moulinette, distordu, faussé, cabossé mais toujours plein d’une poésie étrange.

Quasiment pas de piano, à part sur le superbe Tango Till They Sore, mais en revanche pas mal de guitares : celle de Marc Ribot qui fait des merveilles à chaque intervention, d’autant plus méritant que Waits ne lui accorde qu’une ou deux prises par titre et lui donne d’étranges instructions du type « joue-la comme à la bar-mitzvah d’un nain« . On trouve aussi Keith Richards, qui de passage avec les Stones dans le studio d’à côté, prête sa guitare et sa voix sur trois titres.

Malgré l’apparente hétérogénéité, tout se tient, des morceaux les plus difficiles d’accès (Singapore, 9th and Hennepin) jusqu’à des chansons plus traditionnelles comme les magnifique Hang Down your Head ou la balladeTime. Et puis Jockey Full of Bourbon immortalisé par Jarmusch sur son magnifique travelling dans les faubourgs de la Nouvelle Orléans qui ouvre le film Down By Law.

Ou l’entraînant morceau-titre, ode à tous les chiens de pluie, ceux qui après un orage ne retrouvent plus le chemin de chez eux car l’averse a effacé toutes les odeurs. C’est à ce petit monde de la rue que l’album entier est dédié, à ceux « qui n’on pas de carte de crédit, qui ne vont pas à l’église, qui n’ont pas d’hypothèques« . Pas vraiment un disque concept, pas une histoire linéaire, mais d’avantage un grand aquarium ou nagent pêle-mèle clochards (la famille cauchemardesque de Cemetary Polka), fuyards, barmaids déprimées, vagabonds perdus dans ce grand chaudron new-yorkais, ville où tout arrive et où Waits le Californien se sent tout de suite à son aise.

PS : en prime, une très belle pochette, étrange et que je trouve empreinte d’une grande tendresse. Ce n’est pas l’avis de tout le monde : un ami bloggeur texan, m’avouait ne pouvoir s’empêcher de penser que :
–         il a 14 ans sur la pochette
–         la femme est sa mère
–         la femme est une prostituée de quai de marchandises
–         la femme s’apprête à lui manger un morceau d’épaule
–         toutes les réponses à la fois

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