Rien de sérieux est le premier roman de Naoise Dolan, une irlandaise née en 1992. Aussi espéré-je en le lisant en apprendre davantage sur la jeunesse actuelle. On en a parfois assez de lire des livres écrits par des vieux !
Rien de sérieux conte l’histoire d’Ava, une irlandaise qui a vidé sa « cagnotte IVG » pour s’installer à Hong-Kong où elle enseigne l’anglais BBC à des enfants indigènes, ce qui est un comble pour celle qui parle l’anglais de Dublin et qui découvre certaines règles de la grammaire anglaises en même temps qu’elle les enseigne à ses élèves. Ava est assez solitaire ; elle snobe ses colocataires et ses collègues de travail.
« Mes jours de congé étaient le dimanche et le lundi. En salle de pause, je suis convenue avec mes collègues que travailler le samedi était catastrophique pour la vie sociale alors que je n’en avais pas, ou presque. Mais cela ne me dérangeait pas. J’aimais avoir du temps pour penser. En outre, la fréquentation du métro aux heures de pointe m’apportait une présence. » (p. 124)
Ava rencontre Julian (un banquier anglais au flegme tout britannique), avant de faire la connaissance d’Edith (une jeune avocate Hong-kongaise). Alors s’installe la confusion des sentiments.
Certaines critiques nous vantent la « folle modernité (du roman) sur les relations amoureuses » (Madame Figaro), comme si le questionnement sur l’amour et sur le genre étaient l’apanage des Millenials. En réalité, force est de constater que les jeunes d’aujourd’hui n’ont, au fond, rien inventé.
« On peut très bien se passer de mecs dans la vie, j’y vois même une certaine forme d’élégance, mais la société est ainsi faite que j’ai du mal à assumer ce point de vue. Il faut faire semblant d’être déprimée lorsqu’on reste célibataire trop longtemps. Ça a le don de l’énerver. J’ai bien d’autres raisons de déprimer dans la vie. » (p. 42)
Reste que la narration est bien menée et que l’écriture de Naoise Dolan est vive. Le livre est en outre truffé d’anecdotes intéressantes sur la situation peu enviable des femmes en Irlande, sur la domination occidentale, ou encore sur la grammaire anglaise. (Qui a dit que l’anglais était une langue facile ?)
« En Irlande, on écopait de cinq ans pour avoir violé une fille, de quatorze ans pour avoir avorté à la suite d’un viol, et de la perpétuité dans un couvent de la Madeleine pour avoir été violée, sachant qu’il en existait encore au moment de ma naissance. Rien de tout cela n’était la faute des hommes qui me sautaient, mais quand on était une fille, comme moi, cela pesait forcément sur l’état d’esprit lorsqu’il s’agissait de baiser » (p.83)
En décrivant la condescendance des anglais vis-à-vis des autres anglophones, l’autrice nous parle plus généralement de la domination des puissances coloniales (et des hommes blancs) sur le reste du monde, même si certaines réflexions sur les rivalités irlando-britanniques tiennent parfois de la private joke.
Le récit est assez amusant et le livre se lit très bien. A l’image de son héroïne, ce roman est séduisant. J’ai néanmoins fini par le trouver un peu lassant tant il ressasse le thème un brin éculé du je-t’aime-moi-non-plus et de la peur de s’engager.
Rien de sérieux
Roman
Naoise Dolan (Trad. Nathalie Peronny)
Sortie le 4 mars 2022 chez 10/18 Littérature Étrangère
336 pages / 8,20€