Ils sont deux sur le plateau, Sabine Lenoel et François Pick, pour emprunter tout à tour les traits des personnages de Shakespeare, Molière, Courteline, Ibsen, Ingmar Bergman, jouer avec des textes de Lacan et plus récents d’Ariane Pick Prince. Deux pour travailler la relation de couple et mettre en tension la place de la femme dans la relation amoureuse, deux pour mettre en scène la résistance à la domination masculine.
La forme se veut légère. Un plateau nu, un portique en fond de scène pour y suspendre des costumes, quelques chaises, des éclairages habilement placés et la matière texte prend forme. Le fond l’est beaucoup moins. Le parti pris est clair, laisser entendre les mots scandés par ces femmes qui évoluent dans leur rôle avec leur part de liberté du XVIe siècle à aujourd’hui. On les sent rebelles, résistantes, en rupture avec les conventions sociales, amères parfois mais toujours en mouvement pour avancer et aller au-delà.
On sourit devant la lâcheté d’un mari, on rit devant une drague contemporaine excessive sur fond de réflexions philosophiques, on écoute les vers de Molière et de Shakespeare. On se tend devant le désamour explicité de Nora envers son mari abasourdi dans La maison de poupée d’Henrik Ibsen ; un extrait interprété face public, glaçant, juste après La Peur des coups de Courteline.
La continuité des textes et la variété des styles d’écriture fait voyager le spectateur dans le kaléidoscope complexe des relations amoureuses, des désirs, tout en usant de libertés et de ruptures assumées. Le texte de Courteline est volontairement coupé en fin de scène afin de ne pas laisser le mari reprendre le dessus, les didascalies sont dites en aparté par les comédiens afin de d’écarter un jeu vaudevillesque et toute gesticulation inutile. En contrepoint, des textes sur le contexte sanitaire et les privations de libertés viennent prolongés en transition ces appels à la vérité des sentiments.
Le duo Sabine Lenoel et François Pick fonctionne à merveille, avec froideur, avec tendresse, avec complicité. Des interprétations sensibles, justes et raisonnées d’extraits de la littérature classique dans une valse de sentiments humains et de paradoxes au service de l’émancipation de la femme et de sa liberté.
Le spectacle sera joué du 6 au 31 juillet 2021 à l’Espace Roseau Teinturiers dans la cadre du Festival Off d’Avignon : EspaceRoseauTeinturiers.fr #off21