Justement présenté dans la section « Un certain regard » au Festival de Cannes 2014, ce drame de saison original et magistralement filmé s’interroge sur les réactions instinctives face au danger et présente une analyse psychologique très fine de la perception de l’autre dans le couple.
Snow Therapy nous propose une curieuse expérience de psychologie sociale : soit un couple de Suédois et ses deux enfants venus se réunir en famille dans une station de ski des Alpes françaises ; alors qu’ils sont attablés dans un restaurant d’altitude, une avalanche se dirige vers eux ; le père de famille, pris de panique, s’enfuit en abandonnant femme et enfants, puis revient comme si de rien n’était, une fois l’avalanche maîtrisée. Comment sa femme va-t-elle réagir ? Comment la famille va-t-elle surmonter cette épreuve ?
On pourrait s’attendre, d’après la bande-annonce, à une comédie nordique à l’humour glacial. Or il s’agit plutôt d’un drame en cinq actes pour cinq jours de ski, au rythme lent, qui pose des questions sérieuses et met plus mal à l’aise qu’il ne fait rire, ou alors nerveusement.
Les questions qu’il soulève sont universelles (d’ailleurs, l’anecdote dont le réalisateur s’est inspiré était différente du prétexte qu’il a finalement imaginé – il s’agissait d’une fusillade en Amérique latine) : comment réagit-on face à un danger vital ? Est-ce l’instinct de survie individuelle qui prime ou bien l’instinct de protection de ses proches ? Qui peut réagir en héros et faut-il se sentir coupable si l’on n’en est pas un ?
L’épouse suédoise, très choquée, s’efforce sincèrement de comprendre ce qui s’est passé et de sauver son couple. D’où de nombreuses discussions avec son mari ou avec des tiers pour tenter d’analyser la situation – une thérapie par la parole – et peu de scènes d’hystérie comme une véritable comédie aurait pu en montrer.
La neige qui a fait émerger les problèmes d’un couple dont les liens s’étaient relâchés est aussi l’instrument apaisant de leur thérapie. Comme la station de ski et, plus largement, tout le massif montagneux et ses inquiétants canons à neige, théâtre du drame filmé en plan large, accompagné des vibrants violons de L’Eté de Vivaldi (mouvement du « presto » de L’Eté, dans Les Quatre Saisons), en introduction à chaque nouvelle journée, c’est un personnage à part entière. Immaculée, enveloppante, elle efface les aspérités et offre le silence feutré de ses grands espaces aux cris de désespoir des hommes.
En plus de poser de manière pertinente des questions fondamentales, Snow Therapy présente plusieurs séquences filmées de manière très originale, qui cassent le rythme – que certains trouveront trop lent – et suscitent un regain d’intérêt ou bien ouvrent une porte sur l’irrationnel : caméra au poing, par exemple, pour une scène de ski dans le brouillard, caméra fixée sur un drone ludique qui percute l’un des convives d’un dîner, ou encore, vues de loin dans la nuit, les lumières mystérieuses de ce même drone qui explore la station, piloté depuis les hauteurs de l’hôtel. Ces séquences sont aussi des incursions plus profondes dans le ressenti des protagonistes, qui oscillent entre apaisement cosmique avant la tempête et chaos intérieur.
Le père de famille n’est pas épargné par cette thérapie qui ne lui fait grâce d’aucune faiblesse – lâcheté, mensonge, orgueil… Mais il est finalement, comme nous peut-être, invité à se racheter et à donner le meilleur de lui-même.
Avec Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara et Vincent Wettergren – Bac Films / DistriB Films – 28 janvier 2014 – 1h58