Merci à ceux qui nous vengent de la musique tiède. Je n’ai rien contre Clara Luciani ou Juliette Armanet mais ça nous lasse un peu d’entendre la même chanson, de France Inter à RTL2. Le rap avec ce vodocode est devenu la norme, d’une banalité beauf totalement insolente. Les ondes continuent de se gargariser d’une playlist assez réduite et les idées deviennent alors étroites.
Heureusement il y a forcément ceux qui ne sont pas dans la liste ! Et certains font preuve d’une ironie et d’une énergie qu’on aurait presque oubliée. C’est le cas par exemple de Stupeflip, rappeur masqué et révolté permanent.
Il sonne la charge avec ce cinquième album où son flow criard prend une fois de plus de l’ampleur. Le rappeur continue de fabriquer un véritable univers, totalement décalé mais plus que fascinant.
Les samples ne sont pas faciles. Le hip hop pogote avec les autres genres de musique. Et les structures des titres sont totalement variés. Stupeflip se rêve en personnage fictionnel pour mieux décrire un réel pas très joyeux. Le lot habituel du rap. Mais le groupe ne cherche pas à choquer le bourgeois ou conforter le spleen post adolescent des cités. Il continue de jouer les anarchos mélodistes. Vingt ans après leurs débuts, Stupeflip continuent de faire autrement. Et c’est excellent.
Dans le premier album du rappeur Naudin, une chanson est nommée Retour vers le Passé. C’est peut être ce qui fait le charme de Chant Contrechamp, passionnante variation sur le son des sixties et des vieux films policiers. Naudin a l’impression de venir du passé. Il aime la vie sans internet. Il adore évidemment le vintage. Il joue avec aisance avec la nostalgie.
Cela ne fait pas de son premier essai un rap réactionnaire. Si vous voulez de la beauferie, vous devez plutôt écouter les stars du genre. Naudin, lui, ferait plutôt du rap de brocante. Un truc infiniment chaleureux. Bien sûr il joue les durs mais Naudin est un dur au cœur tendre.
Il cite Chabrol et Mocky. Il apprécie les sons de François de Roubaix. Son style est cinématographique mais cela sert parfaitement ses paroles qui ne sont pas sans rappeler le charme de comptoir du vieux groupe Java. Pas besoin de s’énerver, Naudin raconte calmement ses angoisses et ses plaisirs avec un humour et une mise en scène rétro mais très attachants. Les moins de 20 ans ne vont peut être pas tout piger, mais ce premier disque, par sa passion, mérite une écoute attentive. C’est salvateur.
En cadence et en tempo, mais en ruptures aussi, les petits rigolos de Lent se lancent eux dans une folle course complètement déjanté. Leur second album se nomme Au Galop et c’est vrai que les idées mélodiques se succèdent à toute vitesse, parfois dans la même chanson.
Ils sourient sur la pochette de leur album comme à un bal de fin d’année mais ils fêtent réellement la musique… mais aussi la liberté. On est ici entre un délire à la Zappa ou du free jazz. Là, clairement, vous n’êtes pas dans la tiédeur ou le schéma sage d’une chanson pour grandes ondes.
La dissonance a toute sa place dans le monde fou de Lent. Ça ne les empêche pas de décrire eux aussi la folie qui se cache dans nos vies. On adore leur chanson flashée Selfie de toi. Venus du jazz, les musiciens de Lent bidouillent des chansons hirsutes mais artistiques.
Ils ne ménagent pas l’auditeur mais Au Galop est un album qui se découvre doucement et se réécoute avec curiosité. Les arrangements ne découlent pas sur des chansons douces: ils nous interpellent. Ce n’est pas de la musique tiède: l’exigence subsiste et s’affirme pour le meilleur!