Ex Pixies, championne des Breeders, Kim Deal reste la marraine de toutes les filles qui s’énervent autour du rock insalubre et capricieux. Elle porte en elle (avec sa sœur), cette image d’indépendance farouche qui n’hésite pas à choquer le bourgeois avec un style dissonant ou rageux.
Rien de tout cela dans son tout premier album, Nobody loves you more, livré sous son nom. Incroyable transformation. Elle a désormais 63 ans et prend du plaisir à renverser les clichés sur son parcours pétaradant. Désormais elle chante de mieux en mieux avec des cordes et des cuivres. On la soupçonne presque d’avoir trop écouté Joni Mitchell.
Pour résister au temps, elle a réduit la cadence mais jamais les idées. Les chansons possèdent des arrangements étonnants. L’électricité est toujours présente mais Kim Deal a su passer sous courant alternatif. Le disque est un équilibre parfait. La belle du grunge est devenue sage mais pas grelottante. Elle continue de fouiner, s’aventurer et finit par nous trouver !
On ne pensait d’ailleurs pas au groupe français Mustang pour nous surprendre. Il faisait dans le rock ripoliné assez agréable à écouter. Et les voilà que le groupe se veut de nouveau flamboyant, tourné vers un nouveau genre, la pop à grande écoute.
Avec un titre comme Megaphenix, le fiévreux Jean Felzine et ses copains montrent que l’on peut échapper à tout ce que l’on était. Sans se renier non plus. On devinait chez eux une vraie fantaisie mais les voici en compositeurs habiles et saignants.
Les titres se succèdent autour du plaisir de jouer des conventions d’un genre. Ça part un peu dans tous les sens et pourtant les chansons semblent cadrées. Avec un certain talent, les musiciens s’éclatent à se promener sur de nouvelles terres. Ils se sont fait à l’idée que le succès serait toujours d’estime. Ils ne croquent plus à l’envie du succès mais restent inspirés par les sonorités multiples et des textes toujours en français. Apparaît de cette renaissance une poésie lyrique que peu d’artistes hexagonaux maîtrisent. Populaire et exigeant.
On trouve aussi beaucoup de réconfort dans le chant usé mais charmant de Tucker Zimmerman. Légende oublié du folk américain, il revient sous l’impulsion des musiciens de Big Thief, à 83 ans, avec Dance of Love. Il vit désormais en Belgique mais son style est aussi universel. Un vieux blues encrassé qui fait tout de même chaud au cœur.
Silencieux durant des années, il concentre sur dix titres, un rock délicat fait d’un vieux bois séché. On roule sur les traces poussiéreuses d’un Tom Waits rural ou d’un Neil Young en mode retraité du rock. Mais la conviction persiste. Héros méconnu du folk, Tucker Zimmerman a tout de l’artisan apaisé et reposant.
Mais rien de tout cela est passéiste ou réservé à quelques aficionados. Là encore, les confessions douces du bonhomme touchent à avec profondeur. On se ferait bien avec lui une fricadelle et une bonne bière puis parler de choses simples tout en célébrant sa musicalité douce heureuse. Loin des vieux qui radotent leur gloire, Tucker Zimmerman continue de danser son amour, ses envies et sa tendresse. Un discours quasi juvénile qui a son importance par les temps qui courent.