Une petite chronique pour célébrer un artiste qui nous manque: Amateurs de chansonnettes intelligents, vous apprécierez Tant de temps, en regrettant un peu la facilité de l’accompagnement musical.
Avec Tant de temps, Jacno nous livre son nouvel opus, quatre ans après le précédent. Il faut préciser ce genre de détails car Jacno semble figé dans le temps, prisonnier du temps. Et en écoutant ses nouveaux titres, on se sent pris au piège soi-même, enfermé dans un espace-temps situé entre 1978 et 1986. Jacno, dès qu’on l’écoute, on se retrouve dans le filet des années 1980.
Est-ce étrange et va-t-on reprocher à un artiste de toujours sonner pareil ? Après tout, il est rassurant de reconnaître un auteur à la première note. Ce qui est un peu plus gênant, c’est que l’étendue musicale des talents de Jacno ne tend pas vers l’infini. Ce serait plutôt le roi de la petite mélodie plus ou moins oubliable.
Je me sens un immonde salaud de dire ça, d’autant plus que Jacno est quelqu’un d’éminemment sympathique, un dandy spirituel dont la figure autant que les réparties n’ont rien à envier à Jacques Dutronc. Je me sens mal à l’idée de dégommer l’auteur d’un titre emblématique (sur cet album) : Le sport, dont le refrain (le sport, c’est de la merde) devrait ponctuer tous les matches de footis ou de tennball, de tennall ou de footbis, de tennis ou de football qui encombreront les écrans de télé dans les semaines à venir.
Oui, c’est pas bien de dire du mal d’un type qu’on aime bien, qui passe rarement dans les médias et qu’on peut classer dans la catégorie enviée des chanteurs culte.
Alors, pourquoi le critique persévère-t-il dans la critique de Tant de temps ? Eh bien parce que cet album, le critique aurait adoré l’aimer, mais qu’il ne tient pas ses promesses sur la durée.
Et pourtant, au niveau thématique, y en a de la richesse : Tant de temps évoque la possibilité d’aimer quelqu’un depuis la nuit des temps et de le reconnaître, le temps servant en quelque sorte de fil d’Ariane de la rencontre amoureuse. Les amants, les clients est une chanson bâtie sur une formidable image : un couple d’amoureux seuls à Strasbourg-Saint-Denis, entre les putes et les clients. Ajoutons T’es mon château où, en œnologue averti, Jacno compare son amour à tel ou tel vin.
Eh bien, pour accompagner cet imaginaire, on ne saurait trop encourager Jacno à contacter Brian Ferry pour que des musiques envoûtantes nappent ses propos. Au plan musical, seul l’avant-dernier titre, Mars rendez-vous, chanté en duo franco-allemand parvient à nous envoûter.
Oui, c’est là où le bât blesse : Jacno est un vampire et tant qu’à faire on aimerait tendre son cou et qu’il y plante ses crocs. Au lieu de cela, il se contente de nous allumer et de nous faire croire que s’il voulait…
Cela dit, sur notre échelle de valeur, Florent Pagny est un cancrelat que les talons de Jacno écrasent d’un coup. Il ne faut pas confondre un ringard et un flemmard !