A l’Arsenal de Metz, le cabaret de The Tiger Lillies et le diaporama de Nan Goldin s’unissent dans une ballade étrangement rythmée.
Les photographies de The Ballad of Sexual Dependency retracent 10 ans de la vie de Nan Goldin, ses rencontres, des moments d’intimité partagée dans les milieux underground et white trash américains et européens. Dans ce diaporama, l’enchaînement saccadé des clichés rend difficile l’observation posée des compositions des images. Nan Goldin impose au spectateur une suite infinie de corps seuls ou en couple, des regards caméra dévoilant brièvement un visage battu, le quotidien dans un appartement minable, le temps passé dans un bar.
La photographe nous met face à la drogue, au sexe, à la violence, mais aussi face à des moments paisibles dans une baignoire, des jeux d’enfants, de vieux couples assis dans leur cuisine.
La douleur, l’angoisse, la dureté de la vie ne sont jamais trop loin et ces sensations ont probablement inspiré The Tiger Lillies dans la création de ce ciné-concert.
Perpétuant la tradition de la chanson de bordel, les anglais développent un univers et une musicalité proches de Tom Waits où les histoires de beuveries côtoient les déboires de prostituées et de délinquants. Martyn Jacques, sorte de de King Diamond avec la voix de Jimmy Sommerville, chante la pisse et la merde, la beauté et la tristesse.
Une vie rude, des tonalités âpres semblables à celles de Nan Goldin avec un étrange décalage temporel de quelques décennies, voilà le ciné-concert proposé par The Tiger Lillies sur les images de la photographe américaine. Un même esprit, des thématiques très proches qui rendent le spectacle extrêmement passionnant pour le public de l’Arsenal.
Et pourtant la mélancolie des sonorités du groupe anglais correspond finalement très peu au côté cru et touchant des photos de Nan Goldin : si chez The Tiger Lillies tout est souvenir partiellement idéalisé d’une époque passée, chez Goldin, les clichés placent le spectateur face à un réel très chargé historiquement (les années 80), politiquement et socialement, face à des relations amicales et amoureuses douloureuses, rudes, mais aussi profondément fertiles artistiquement. Le réel de ces photos est perpétuellement renvoyé à sa cruauté, aucune idéalisation nostalgique n’est possible. L’instant reste tel quel, vivant et violent, à tout moment. Voilà ce qui transforme le ciné-concert de The Tiger Lillies en une création bizarrement décalée.
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Gloria Morano
© Etat-critique.com – 08/03/2012