Première claque de l’année, le nouveau disque des Tindersticks est une vraie surprise au lyrisme inattendu. Un déluge d’instruments et une voix de plus en plus fascinante au fil du temps. Ca a du bon de vieillir!
Car on ne voyait pas les Tindersticks allaient aussi loin avec leur rock un poil déprimé, enclin aux cordes et à quelques instruments classiques. Le chanteur Stuart Staples traîne sa mélancolie depuis bien longtemps et l’exporte même sur les bandes originales de films de Claire Denis. Avec l’étiquette « groupe farouchement indé », on pouvait s’imaginer un style figé, cinéphilique et un peu prétentieux.
Le onzième album surprend. La voix est morne toujours et encore mais quelle générositié après plus de vingt ans d’existence, pas mal de passages chaotiques (des départs en pagaille avec le temps), un ou deux chefs d’oeuvre… et désormais ce Waiting Room éclatant!
Car les membres du groupe, nouveaux et anciens, amènent un swing noir, un jazz feutré et un son vraiment hypnotique. On pense même à une version acoustique du Blackstar de feu David Bowie: le groupe a l’art de mettre la musique en retrait, de l’éloigner de nos existences, de créer quelque chose de transcendant dans un art en apparence classique. Help Yourself est l’exemple parfait: des cuivres en liberté, une guitare tendue l’Afrique et un chanteur en pleine possession de ses moyens.
Le travail pour le cinéma est digéré et inspire les nouvelles chansons, toutes uniques et spectaculaires sans pourtant sortir l’artillerie lourde, l’orchestre symphonique ou un spleen explosif. Stuart Staples paufine une fois de plus son rôle de crooner réaliste, de Nick Cave anglais, de monsieur Loyal faussement usé par la vie et véritable poète.
Les arrangements sont d’une singularité que l’on attendait plus. Là où l’âge aurait du mener la bande à la sécurité, l’envie de se transcender subsiste malgré les galères et les réussites. Le disque est accompagné d’un film. Les Tindersticks travaillent avec sérieux leurs ambiances différentes, minimalistes mais fourmillant de détails croustillants,de petites idées musicales charmantes et de parties instrumentales reposantes.
The Waiting Room propose de prendre le temps. Il le remonte même avec un duo Hey Lucinda avec la chanteuse disparue Lhasa. C’est un disque étrange, fait d’espoir, d’images et de mélodies qui se détendent au fil des écoutes. Perce alors une infinie douceur, celle que l’on connaît auprès de ses vieux amis. Après vingt ans, on se disait qu’on avait un peu perdu de vue ce drôle de gus de Staples. Les retrouvailles sont incroyables. Un vrai bonheur!
City Slang – 2016