Art-scène, Théâtre

Toujours la tempête, Peter Handke, Odéon

Toujours-la-tempete

Histoire méconnue d’un peuple minoritaire. Destin épique d’une famille dans les plaines d’Autriche. A voir.

La pièce nous plonge dans une page d’histoire. Le destin d’une terre, la Carinthie. A la croisée entre l’Autriche, la Slovénie et l’Allemagne, elle est ballotée. Le décor unique de plaine en pente évoque avec force l’attachement à cette terre. Des brins d’herbe des plaines slovènes s’accrochent aux costumes des comédiens chaque fois qu’ils s’asseyent puis se relèvent. Clin d’œil pour dire combien cette terre signifie pour ses habitants. Entre désir de la défendre et de la fuir.

Peter Handke livre au travers de la grande histoire une page de son histoire familiale. Avec la voix du narrateur, il exorcise une page de son histoire, évoque l’union de sa mère d’origine slovène avec un allemand. Recoupant ses souvenirs avec les événements datés, il replace la petite histoire dans la grande, confronte les légendes familiales à la réalité de la vie. Mais le passé lui échappe. Il cherche son identité, la vérité, comment sa mère a fait accueillir l’inacceptable.

Sous la direction d’Alain Françon, les comédiens sont excellents. Wladimir Yordanoff dans le rôle du grand père est confondant d’authenticité. Il touche au cœur dans sa façon de raconter ce jour où il a offert innocemment des yeux de bœuf pour courtiser une femme ou son refus de la tragédie, comme étant contraire à la fierté de son peuple. Gilles Privat incarne un personnage singulier, l’oncle résistant qui prend le maquis, avec maladresse et tendresse.

Toujours la tempête sonne comme Le monde d’hier de Zweig. Par l’annexion de la Carinthie dans le Reich allemand, un monde semble disparaître. Faut-il résister ou se soumettre ? Pour certains la réponse s’impose : « Plus aucun peuple ne nous réduira au désespoir», «Notre peuple va jouer le rôle qui lui revient. » Mais alors, comment combattre pour la liberté de son peuple ? Ces questions universelles et intemporelles sont posées avec intelligence.

Reste néanmoins à reconnaitre qu’il est dérangeant pour notre jeune génération d’entendre parler des Allemands avec tant de férocité quand le défi européen actuel mérite un climat apaisé.

jusqu’au 2 avril 2015
Aux ateliers Berthier du Théâtre de l’Odéon

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