A fortunate man est un récit de John Berger et du photographe Jean Mohr, publié pour la première fois en Angleterre, en 1967. La traduction française de Michel Lederer est parue en 2009 sous le titre Un métier idéal, aux éditions de l’Olivier. John Berger et Jean Mohr ont suivi pendant deux mois le docteur John Sassall dans son activité professionnelle.
Après avoir servi dans la Navy comme chirurgien durant la Seconde Guerre mondiale, John Sassall exerce en tant que médecin dans la campagne anglaise, dans une région dominée par la nature, au cœur de la forêt et au sein d’une communauté rurale et rustre.
Une toile dressée au milieu de la scène. Un décor campagnard. Deux chaises. Nicolas Bouchaud fait « l’appel » : le spectateur est un patient en puissance. L’audience est une immense salle d’attente en quête de diagnostic. La relation comédien – spectateur devient celle du médecin et de son patient. Les rôles sont redistribués, dans un autre espace – temps celui de la confession partagée dans ce qu’elle a d’intime, de personnel. Le spectateur, auditeur de ces bribes de vies, devient « acteur » et se fait « voix » shakespearienne le temps d’une respiration. La poésie n’est jamais éloignée d’un humour distillé au goutte-à-goutte pour mieux nourrir la réflexion du spectateur.
Les témoignages de John Sassall et ceux des patients alimentent ce récit d’apprentissage. Ce médecin est un héros « conradien » : faillible, désenchanté, ne renonçant jamais à affronter la vie, celle de la rudesse sociale et de la ruralité anglaise au XXe siècle. Nicolas Bouchaud se fait le « passeur » de cette parole, pour mieux révéler sa fragilité, sa sensibilité, sa délicatesse.
Ce spectacle, à la fois poétique et philosophique, social et politique est magnifié par la mise en scène délicate d’Eric Didry. Elle révèle la multiplicité des « rôles » de Nicolas Bouchaud : tour à tour conteur, acteur, « metteur en scène » pour mieux transmettre et partager cette intimité avec le spectateur.
Jusqu’au 18 avril 2015
Carreau du Temple
Un métier idéal
D’après le livre de John Berger, Jean Mohr
Mise en scène Eric Didry