La nouvelle pièce de Myriam Gourfink explore les possibilités de la lenteur, de la presque immobilité en relation avec des matières sonores subtiles et puissantes.
Le titre de la création Une lente mastication signifie le processus de compréhension d’un rythme, d’une structure gestuelle, d’une approche au temps au cours de la période de répétition de la pièce, et par la suite de sa représentation sur scène.
La pièce de la compagnie Myriam Gourfink travaille de manière franche et radicale l’idée de lenteur, d’écoulement à la fois lourd et imperceptible du temps dans un mouvement continuel infinitésimal – moléculaire est l’adjectif le plus employé pour définir cette recherche – dans lequel les 10 danseurs-insectes (une comparaison que la chorégraphe utilise aussi pour définir l’allure de ces corps, et qui nous semble signifier également la gestuelle et l’unité de ses interprètes malgré l’apparente séparation réciproque – on y reviendra) jouent avec les spectateurs le jeu de l’attente. Une heure doit s’épuiser, le public est au courant de cela dès le départ, et le parti pris de la pièce est d’emblée clair et univoque : l’avancement des danseurs de droite à gauche sur la scène.
Le concept de mouvement acquiert ainsi plusieurs dimensions : il est placé dans le temps et dans l’espace de manière claire et éclatante ; il se montre à la fois dans sa gratuité la plus absolue et dans sa finalité la plus simple, celle d’un avancement spatial ; il est geste individuel et collectif. Ce dernier point est peut-être d’ailleurs le plus captivant de la pièce : les danseurs avancent (ou reculent légèrement) en donnant l’impression d’être seuls et séparés les uns des autres dans la logique de leurs gestes, alors qu’un « corps commun » (expression qui apparaît dans un entretien avec Clémence Coconnier, une des danseuses de la pièce) est en mouvement.
Ce qui est donc le plus essentiel, mais presque imperceptible, est le concept de densité des corps dans leur mouvement, concept inspiré par la pratique du yoga, une densité travaillée de manière intense par les nappes sonores jouées par Kasper T. Toeplitz.
Le public reste pourtant assez froid devant cette exploration gestuelle et sonore qui apparaît peut-être excessivement démonstrative.
Gloria Morano et Flavia Ruani
© Etat-critique.com – 07/02/2012