Art-scène, Théâtre

Une saison en enfer, Arthur Rimbaud, Jean-Quentin Châtelain, Ulysse di Gregorio, Lucernaire

Pour la 3ème fois, j’ai la chance d’écouter Jean-Quentin Châtelain dans l’art du monologue. Après Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, d’Imre Kertesz à Théâtre Ouvert en 2004, Blaise Cendrars au Grand Parquet en 2015, j’ai rendez-vous au Lucernaire pour ré-entendre Rimbaud. Jean-Quentin Châtelain dit du monologue que c’est un peu comme marcher sur un fil, et que le rapport au public est proche de l’hypnose. Il excelle dans cet art et à chaque fois, fait renaître la voix de l’auteur. Moi qui ai étudié Rimbaud au lycée et qui l’ai lu passionnément à cet âge, au Lucernaire j’entends des aspects nouveaux de la personnalité de l’auteur. Plus jeune, je lisais dans ce texte (écrit entre avril et août 1873) une description de l’état d’adolescence. Or il me semble aujourd’hui que ce texte parle surtout d’une vocation personnelle et de la difficulté d’assumer sa vocation dans un environnement ou à une époque conservateur/trice.

Je n’avais jamais perçu avant la solitude de Rimbaud, ni entendu son appel à libérer les consciences, à s’affranchir des conventions. S’il appelle une révolution c’est qu’il souffre sincèrement. Il décrit beaucoup ses moments de folie dans ce texte, qu’il doit à l’abus de stupéfiants certes, mais pas seulement. Je pense que sa folie doit beaucoup à sa solitude, à sa différence. Par exemple, il se décrit comme un indien, un « sauvage ». « Une saison en enfer » est son dernier texte. Il a 19 ans et renonce déjà à sa vocation: « Les blancs débarquent (…) Il faut se soumettre au baptême, s’habiller, travailler. »

En écoutant ce texte si plein de culpabilité et de désillusion, je pense avec compassion: si Rimbaud était né un siècle plus tard, en 1954 ? S’il vivait parmi nous ? Il aurait la chance de connaître une société quasi affranchie de l’autorité religieuse; car notre époque offre la chance d’une « spiritualité laïque ». C’est si bon de se dire que notre société s’est libérée au moins de ce carcan. Même si elle est imparfaite (et menacée) notre société célèbre cette liberté. En quittant le bar du Lucernaire, rue Notre Dame des Champs, en ce printemps 2017, après une représentation hypnotique où j’ai redécouvert Rimbaud, je me sens plus de courage. J’ai envie de célébrer notre époque parce que j’y vois une société engagée dans un mouvement (un effort peut-être infini) : elle s’affranchit toujours de nouveaux bourreaux, de pouvoirs malsains sans cesse renouvelés.

Une idée encourageante: célébrer « Le Printemps des poètes » au Lucernaire, c’est maintenant …

 

Une saison en enfer
D’après Arthur Rimbaud
Au Théâtre du Lucernaire (http://www.lucernaire.fr/)
Jusqu’au 6 mai 2017
Mise en scène d’Ulysse DI GREGORIO
Avec Jean-Quentin CHÂTELAIN

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