Encore une démonstration d’extrême sensibilité et de justesse de Jean Bellorini, même dans une forme beaucoup plus simple que les décors grandioses auxquels il nous avait habitués avec Paroles Gelées et Liliom.
C’est d’abord dans le choix de donner quatre voix au monologue de Odon von Horvath que Jean Bellorini fait preuve de son ingéniosité. Car chacun des quatre admirables comédiens (Clément Durand, Gérôme Ferchaud, Antoine Raffali et Mathieu Tune) par les nuances de son interprétation, de son rythme, de son souffle, de sa gestuelle, de sa voix et de son instrument (clavier, guitare, violon ou trompette) ouvre une voie pour capter la sensibilité du spectateur. Et les chances de se reconnaître dans la description des vicissitudes de la jeunesse ou de la perte de repères et d’identité en général, sont démultipliées.
Ensuite, la sobriété de la mise en scène et du décor contribue à une atmosphère très intime, très intérieure, très personnelle, comme si on pénétrait dans les tréfonds de l’esprit du personnage, de ses pensées, de ses névroses; et l’habilité avec laquelle les éléments de décor sont instrumentés apporte une pointe de légèreté, d’humour, et même d’espoir, que du néant, du désespoir absolu, peut encore ressortir quelque chose de beau, de grand.
Les lumières accompagnent habilement le reste, variant de la pénombre des profondeurs de l’âme aux clignotements d’ampoules nues pour illustrer la pensée, le doute, l’effervescence amoureuse. Les ombres sont également superbement pensées et les vues d’ensemble, d’une poésie soignée, de telle sorte que chaque scène n’en est que plus signifiante, plus touchante, plus vraie.
Enfin, voir « Un fils de notre temps », ces jours-ci, sur scène, au cœur de la ville de Saint-Denis, c’est aussi se rappeler que la perte de repère et d’identité de la jeunesse n’a rien de nouveau, ni d’inexplicable et donc d’invincible, surtout par le théâtre de Jean Bellorini. Et ça, c’est presque déjà un soulagement.
Bravo, je suis fan!!
Un fils de notre temps
D’après le roman de Odon von Horvath
Mise en scène Jean Bellorini
Jusqu’au 11 décembre au Théâtre Gérard Philippe – centre dramatique national de Saint-Denis