Un fantastique voyage au fin fond de la complexité humaine et des différents niveaux de réalité. « Chaosmique !«
Trois comédiens, trois musiciens. Il n’en faut pas davantage pour entraîner le spectateur dans un vertigineux voyage aux frontières de la folie. Lui 1, Olivier Werner, entre seul sur scène sur un plateau composé d’un hémisphérique cyclo blanc en fond de scène, et de différents plans sur tréteaux qui viennent délimiter l’arrière du plateau et surélever la scène. Un canapé comme seul symbole évocateur d’un intérieur. Une table carrée en avant-scène jardin sur laquelle, Lui 1, donnera vie à ses personnages, ses craintes, ses délires. Pour cela, il use de poupées de bois représentant les personnages, son ex-femme, Elle – Roxane Kasperski – et sa nouvelle jeune conquête, Lui 2, interprété par Pierre Giafferi.
Après avoir cité Garouste en entrant sur le plateau, Lui 1 joue avec ses poupées qui prennent soudain vie sur scène, une mise en abîme du théâtre dans le théâtre qui vient mélanger plusieurs dimensions d’une réalité fictive. Le spectateur comprend rapidement que le texte et le jeu de Lui 1 aura une importance fondamentale dans le déroulement de la pièce. Le spectateur comprend rapidement que la pensée et la force d’un texte tentaculaire seront les outils d’expression de la folie et constitueront devant les yeux du spectateur un vaste tissu mental, une mise en réseau presque infinie du sens et du non sens.
Lui 1 entre progressivement dans la fable et n’en sortira plus, prisonnier de ses projections mentales et de sa fertile imagination. Il a invité pour ses retrouvailles avec son ex-femme trois musiciens, une violoncelliste, un percussionniste et un guitariste flutiste qui l’accompagnent dans son discours. La partition sonore est une détonation, un déclencheur de situations poétiques souvent joyeuses. Dionysiaque.
Le texte, morcelé, superbe de lambeaux, en anglais, en italien, intègre des textes de Gilles Deleuze, de Félix Guattari, de Ronald Laing et de Franco Basaglia, défenseur des droits des individus psychiatrisés dans les années 1960. La réintégration de la complexité des individus, même dans la folie, fait entendre une autre musicalité contre la médicamentation thérapeutique actuelle et rappelle avec bonheur que d’autres chemins issus de la psychothérapie institutionnelle, il n’y a pas si longtemps, étaient encore possibles. En Italie, Basaglia réussit à obtenir la fermeture des asiles en 1978 avec la loi 180 dite Basaglia.
On se réjouit de l’intelligence du texte et du jeu des comédiens qui alternent moments de violence, situations comiques, danses, rires et angoisses. On saluera le jeu spectaculaire et virtuose d’Olivier Werner, fou magnifique qui emmène dans son sillage les autres comédiens. Un théâtre bâti et pensé pour un Lui protéiforme. V.I.T.R.I.O.L. est l’acronyme de la locution latine : VISITA INTERIOREM TERRAE RECTIFICANDO INVENIES OPERAE LAPIDEM, traduit ici par Explore tes entrailles et découvre le noyau sur lequel bâtir une nouvelle personnalité. L’expérience est plus que réussie. À voir.
Site du théâtre : https://www.la-tempete.fr/saison/2019-2020/spectacles/v-i-t-r-i-o-l-601
Jusqu’au 29 mars 2020.