Exposition

Van Gogh / Artaud. Le suicidé de la société / Musée d’Orsay

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Quand le boucher roux invite Artaud le Mômo à Orsay…

 

« Une exposition de tableaux de Van Gogh est toujours une date dans l’histoire, non dans l’histoire des choses peintes mais dans l’histoire historique tout court » dixit Artaud. C’est en s’appuyant sur l’exposition de 1947 consacrée à Van Gogh au Musée de l’Orangerie et le livre d’Antonin Artaud Van Gogh ou le suicidé de la société, que le Musée d’Orsay propose d’exposer une quarantaine de toiles, de dessins et de lettres du peintre néerlandais ainsi que quelques œuvres graphiques du poète-dessinateur.

A la demande de Pierre Loeb et suite à la lecture d’un article du Dr Beer croyant déceler chez le peintre une schizophrénie du type dégénéré, Artaud se rendit à l’exposition Van Gogh au musée de l’Orangerie. Il écrit alors un texte dans lequel il accuse ouvertement la société d’avoir poussé Van Gogh au suicide aidé par le monde des psychiatres et son frère Théo. Établissant des parallèles avec Baudelaire, Poe, Nerval et Lautréamont, en quelques pages, Artaud explique que la société a toujours cherché à étouffer, à écarter les extra-lucides. Van Gogh est de ceux-là. La clairvoyance mène fatalement à la mort.

Avec la force vitale propre à l’écriture d’Artaud, l’ouvrage fait ressortir toute l’étrangeté et le génie du peintre : « Rien que peintre, Van Gogh, et pas plus, pas de philosophie, de mystique, de rite, de psychurgie ou de liturgie, pas d’histoire, de littérature ou de poésie, ses tournesols d’or bronzé sont peints : ils sont peints comme des tournesols et rien de plus, mais pour comprendre un tournesol en nature, il faut maintenant en revenir à Van Gogh, de même que pour comprendre un orage en nature, un ciel orageux, une plaine en nature, on ne pourra plus ne pas en revenir à Van Gogh. »

Cette exposition des œuvres de Vincent Van Gogh laisse toujours sans voix. On a beau connaître La nuit étoiléeL’église d’Auvers-sur-OiseLa Chambre et les autoportraits issus du Musée d’Orsay, lorsque ces œuvres sont présentées au milieu d’autres plus rarement exposées, la magie opère. Étonnant Crabe sur le dos, flamboyant Cyprès avec deux femmes, superbe Entrée de carrière près de Saint-Rémy, originaux Tournesols venant de Berne, romanesque Fauteuil de Gauguin, mouvementés Lauriers roses de New York, misérable Paire de chaussures qui rappelle les fameux Souliers. L’exposition articulée autour de citations du livre d’Artaud est belle et à voir.

On demeure étonné devant le choix des sujets, notamment les natures mortes (crabe sur le dos, chaussures) qui ont cette couleur roturière et ces positions provocantes, loin de tout conformisme. Une peinture anti-bourgeoise. Qui à l’époque aurait pu accrocher de telles œuvres sur les murs de son salon ? Quand on sait que ces œuvres s’achètent aujourd’hui des millions d’euros…

 

Et puis il y a la touche, les formes, les volutes et ces traits qui dansent dans des tourbillons de couleurs, ces convulsions dont parle Artaud. « J’aime mieux, pour sortir de l’enfer, les natures de ce convulsionnaire tranquille que les grouillantes compositions de Breughel le Vieux ou de Jérôme Bosch qui ne sont, en face de lui, que des artistes, là où Van Gogh n’est qu’un pauvre ignare appliqué à ne pas se tromper. »

Les paysages, les autoportraits, et particulièrement la thématique sur l’hôpital Saint-Paul montrent un Vincent aspiré par l’infini. Regardez Les Arbres dans le jardin de l’hôpital Saint-Paul, ou la forêt de pin au déclin du jour. La verticalité en action… Le Docteur Gachet et son abyssale mélancolie… De quoi vibrer, assurément.

Un seul regret peut-être dans cette exposition, le choix des textes d’Artaud affichés, comme une volonté de rester dans le sens descriptif des œuvres. Il y a bien une salle dédiée à la lecture de l’analyse d’Artaud du Champ de blé aux corbeaux, mais le style poétique, la vigueur insurrectionnelle de l’ouvrage d’Artaud passent sans doute trop inaperçus dans cette exposition. En somme, il ne suffit pas de dire qu’il est poète pour qu’on le sente. On sent le génie de Vincent mais assez peu la fulgurance de Mômo. C’est pourquoi, on recommande activement la lecture de Van Gogh le suicidé de la société pour compléter habilement l’exposition.

Mais pas de doute possible. A voir et revoir, à lire et relire.

Visite virtuelle : Van Gogh / Artaud au Musée d…par FranceInfo

http://www.musee-orsay.fr/fr/accueil.html

 

 

Sébastien Mounié

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