Documentaire, Vu à la télé

Vjeran Tomic : l’homme-araignée de Paris – Jamie Roberts – Netflix (2023)

Anatomie de la misère humaine. Le documentaire de Jamie Roberts est actuellement sur Netflix. Splendeur, misère et pieds nickelés au programme !

Anatomie de la misère humaine. Le documentaire de Jamie Roberts est actuellement sur Netflix. Splendeur, misère et pieds nickelés au programme !

En mai 2010, cinq tableaux de maître sont volés au musée d’Art Moderne de la ville de Paris en une nuit. Le Pigeon aux petits pois, de Picasso, La Pastorale, de Matisse, L’Olivier près de l’Estaque, de Braque, La Femme à l’éventail, de Modigliani et Nature morte aux chandeliers, de Léger. La valeur estimée de l’ensemble de ces toiles diffère selon les sources : 100 millions d’euros selon la direction du musée, 500 millions d’euros selon le parquet de Paris. Le voleur n’est autre que Vjeran Tomic, dit l’homme-araignée. Le documentaire revient sur l’événement raconté par le voleur lui-même.

Le scenario a tout d’un Arsène Lupin ou d’un Agatha Christie. Quel est donc cet homme-araignée de Paris qui a fait ce casse historique ? Et pourtant… Rapidement, on se sent très mal à l’aise devant un Vjeran filmé face caméra qui raconte avec un langage qui ferait passer Audiard et Frédéric Dard pour des Précieuses comment depuis son enfance il a malgré lui basculé dans la délinquance. A sa décharge, Vjeran vit dans un milieu familial où la violence fait partie du quotidien. Précarité. Son père bat sa mère et le bat régulièrement. Il décroche scolairement, s’engage dans l’armée où il performe mais dès son retour dans la vie civile, il bascule de nouveau dans la délinquance en volant des autoradios puis en décidant de s’attaquer aux biens des riches habitants du triangle d’or de Paris et du 7e.

L’homme est une force de la nature et enchaine les exploits physiques pour aller détrousser les riches en gravissant les façades et en passant de toit en toit, avant même les acrobates de Parkour d’aujourd’hui. Il s’introduit la nuit chez les gens pendant leur sommeil et prend bijoux, tableaux. Il raconte son stress en grimpant, son émotion quand il s’agit de fouiller les chevets à proximité des dormeurs. L’homme à la mine patibulaire – mais presque 😉 – sourit et s’amuse devant la caméra des vols commis. La fierté et la désinvolture qui se dégagent du personnage étonnent. L’argumentaire développé contre les riches peine à convaincre et on en vient à douter de la pertinence du reportage, du focus fait sur le voleur plus que sur les victimes ou sur la police. Vjeran raconte la vie de délinquance et de l’argent facile, des fêtes et de la prostitution. Une vie jonchée d’instabilité et d’une certaine misère humaine alimentée par le vol qu’il considère comme un travail, un métier, en dehors de toute conscientisation de l’acte et de ses conséquences. Avec pour bonne conscience et comme seul moteur la haine des riches.

Le pire est probablement atteint lorsque le lien est alors établi avec le receleur répondant au nom de Corvez. L’homme au patronyme digne du Rastapopoulos de Tintin est antiquaire et escroc. Il n’est pas un téméraire. Le jour, il travaille avec de nombreux voleurs dans sa boutique parisienne et, la nuit, joue les grands bourgeois dans sa vie privée, nous dit le reportage. Une vie illusoire de bourgeois grotesque en grande banlieue qui repose sur la petite délinquance parisienne et le vol des riches parisiens, ce qui donne une belle idée de la grandeur de l’homme. Le reportage nous informe : Corvez est le commanditaire du vol, le génie du mal qui a oublié le génie.

Vjeran raconte alors comment il a réussi à entrer dans le Musée en passant simplement par une fenêtre dont il a démonté la vitre. Un peu plus, il rentrait par la porte… La partie peut-être la plus amusante du documentaire, si elle n’était pas dramatique pour les cinq tableaux. On pensait avoir touché le fond. Mais non. Fabrice Hergott, le directeur du Musée témoigne en évoquant une faille de sécurité majeure connue de la hiérarchie et de sa responsabilité en tant que directeur. Dans son bureau, assis devant sa bibliothèque, le notable témoigne. Il appuie sur la grande valeur des objets volés et sur l’aspect tragique de l’affaire pour l’histoire de la peinture. Et là le spectateur s’interroge. Il se moque de nous lui-aussi ? C’est une blague ? Mais comment un directeur responsable de la sécurité du Musée peut-il encore être en poste ? On relit plusieurs fois le sous-titre… Eh bien oui, j’ai bien lu, le gars est toujours en poste ! On recherche sur Wikipedia. Confirmé. Toujours en poste ! Un vol a été commis dans le Musée, cinq œuvres majeures ont disparu, le Monsieur est Chevalier de la Légion d’honneur et Officier des Arts et des lettres, il sait que son Musée est une passoire, il bafouille quelques mots, mal-à-l’aise devant la caméra et voilà. Miseria est mater omnium artium ! On se demande bien à quoi cela peut bien servir d’avoir un directeur !

Et puis il y a Guillaume, le sans domicile fixe ami de Vjeran avec qui celui-ci échange régulièrement par téléphone. C’est grâce à l’écoute de leur conversation que les premières pistes policières pour coincer Vjeran Tomic en flagrant délit de vol sont suivies. Guillaume a l’air bien gentil. Il se tape des gueuletons avec Vjeran. Pour finir, le documentaire nous achève avec Yonathan Birn, expert et réparateur de montres de prestige qui aurait récupéré une partie des œuvres du Rastapopoulos mais qui les aurait détruites, comme Corvez. Parce qu’il ne suffit pas d’être receleur et menteur, de peur, les œuvres auraient tout simplement été détruites et jetées à la benne à ordure par ces messieurs !

Assez ! Stop ! N’en jetez plus ! On reste surpris par tant de misère humaine et de médiocrité filmée. La police a totalement perdu la trace des toiles. Le directeur toujours en poste. Guillaume sur un banc. Six ans de prison pour Birn, Sept ans pour Corvez, avec saisie de ses biens, huit ans et une belle amende pour Tomic. Le seul moment d’espoir réside probablement dans les quelques minutes finales du reportage durant lesquelles on assiste à la sortie de détention de Tomic, en présence de sa courageuse compagne, amoureuse. Quelques minutes tournées vers l’avenir dont on espère qu’il sourira autrement à un Vjeran sorti en pleine forme. Filmé en extérieur, Vjeran fait des tractions et témoigne encore d’une belle vélocité…

Les dernières minutes du documentaire sont dédiées au Rastapopoulos retrouvé après sa détention. L’homme filmé en gros plan en caméra épaule menace tout simplement de violence physique les journalistes venus le questionner pour avoir des nouvelles des toiles. Le documentaire coupe avec un bel arrêt sur image de sa bobine grimaçante en gros plan. Du grand art…

Un mauvais Balzac contemporain. Vite ! On passe à autre chose ! Fermons quand même bien les fenêtres avant d’aller nous coucher ! Hein Vjeran ?

Vjeran Tomic : L’homme-araignée de Paris | Site officiel de Netflix

Article du Monde sur le procès : Sur la piste des cinq chefs-d’œuvre volés au Musée d’art moderne de Paris en 2010 (lemonde.fr)

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