Création de 2013, Vortex Temporum est une des multiples pièces récentes d’Anne Teresa De Keersmaecker travaillant la relation entre le mouvement et la musique contemporaine : une autre réussite de la chorégraphe belge.
Depuis ses débuts, Anne Teresa De Keersmaecker choisit de se confronter à la musique contemporaine dans sa recherche gestuelle et spatiale. Il ne s’agit jamais d’illustrer les compositions sonores à travers les corps des danseurs : sa danse est toujours une analyse autant qu’une déconstruction de la musique, ainsi qu’une proposition sensorielle à partir de l’expérience physique provoquée par cette musique.
La scénographie de Vortex Temporum, pièce qui s’engage à chorégraphier l’expérience de l’œuvre spectrale de 1994-1996 du compositeur Gérard Grisey, présente des rosaces dessinées au sol à la craie. Sans dévoiler dans les détails la structure de la pièce, à partir de ces formes géométriques, la musique et la danse sont présentées seules ou en association, en jouant avec la mémoire auditive et visuelle des spectateurs, les possibilités de mise en relation et les contrastes entre les sonorités et les mouvements.
La pièce nous semble questionner, entre autres, deux éléments chorégraphiques essentiels : premièrement, la dynamique entre le solo et les moments d’ensemble. Vortex Temporum rappelle la complexe construction chorégraphique de Cesena (2011), jouant des énergies gestuelles des danseurs, de leurs corps agissant comme une seule entité ou se distinguant des autres dans les rythmes et les mouvements. L’écriture chorégraphique de Vortex Temporum travaillant à partir des formes circulaires dessinées au sol permet un réel travail spatial autour du concept de tourbillon, fait de mystères, surprises, évocations subjectives et pure énergie.
Deuxièmement, Vortex Temporum questionne l’imaginaire qui se produit à l’interstice entre l’abstraction sonore et la corporalité chorégraphique. Quels mouvements pour (re)vivre l’expérience musicale de l’œuvre de Grisey ? Quelle relation entre les matières sonores et physiques ? Les partitions mises en place par De Keersmaecker, jouant des densités gestuelles, des relâches, des harmonies et des froissements, et s’accompagnant d’un riche travail sur la luminosité de la scène, permettent aux spectateurs une grande liberté intellectuelle dans l’expérience des sons et des mouvements, une ouverture sur leurs propres réflexions et sensations.
Unissant le travail intellectuel d’analyse musicale et la proposition sensorielle de la danse, Vortex Temporum est une heure de pur plaisir du regard.
Représentation du 20 Novembre 2014
au Théâtres de la Ville de Luxembourg