Tour à tour suiveur et précurseur, Walter Richard Sickert (1860-1942) ne se laisse pas facilement résumer ! Le Petit Palais nous donne l’occasion de découvrir ce peintre étonnant jusqu’au 29 janvier 2023. Foncez-y !
Dans cette exposition, les œuvres sont présentées dans un ordre chronologique, tout simplement. La scénographie – signée Cécile Degos – est très soignée et belle. Les salles sont assez grandes pour qu’on puisse regarder les œuvres sans se bousculer, et les couleurs des murs créent une ambiance cosy très agréable. Je regrette juste que de la musique soit diffusée dans la salle consacrée à la période music-hall ; de mon point de vue, cela n’apporte rien et, au contraire, « pollue » la concentration.
Sickert tire parfois le diable par la queue financièrement, surtout lorsque sa femme – qui l’entretenait – décide de le quitter après avoir découvert son énième infidélité. Il se lance alors dans une peinture qu’il souhaite rémunératrice, se mettant dans la roue de Monet, Pissaro ou de Bonnard. Pour tenter de séduire une clientèle aisée, il se fait portraitiste et peint des lieux de villégiatures bourgeois. Les vues de Venise ou de Dieppe sont belles, certaines saisissantes d’intensité et de contraste dans les couleurs.
Cette période qu’on peut juger aujourd’hui relativement conventionnelle n’est pas du tout dénuée d’intérêt. Par exemple, quelle beauté et quelle force dans la toile « Rehearsal, The End of the Act. The Acting Manager. » !
Après cette période d’apprentissage où il s’inspire notamment des impressionnistes, Docteur Jekyll-Sickert laisse place à Mister Sickert-Hyde, un homme fasciné par le théâtre, le cirque et les bas-fonds. Le peintre se fait avant-gardiste. Il signe une étonnante série sur les prostituées restituant la chair crument, sans recourir au prétexte des sujets mythologiques ni verser dans l’érotisme. Ces peintures inspireront Lucian Freud, l’un des plus grands peintres figuratifs du XXème siècle, excusez du peu.
Grinçant, Sickert peint aussi des scènes de la vie populaire et quotidienne, restituant sans filtre l’ennui conjugal. Ancien comédien, Sickert s’intéresse au théâtre et au music-hall. Par la singularité de ses sujets et de leur traitement, Sickert est résolument anticonformiste et moderne ; il est donc bien plus qu’un peintre de station balnéaire !
Enfin, dans la dernière partie de sa vie, dans sa période « Transposition », le peintre trouve « le meilleur moyen du monde de faire un tableau » en développant le procédé de la lanterne de projection. Concrètement, il projette des images d’actualité sur un toile et les peint. Il est alors précurseur d’Andy Warhol et préfigure carrément le Pop-art.
De l’impressionnisme au pop-art, on comprend en suivant les influences de Richard Sickert (qu’elles soient subies ou exercées) à quel point ce peintre était ancré dans le XXème siècle. Une belle découverte.
Jusqu’au 29 janvier 2023
Petit Palais, Paris VIII
Plein tarif : 15 euros
Tarif réduit : 13 euros
Gratuit : – 18 ans