Alors mes petits cocos, c’est la fin de l’abondance. De l’insouciance. Fini les frigos remplis de cartons. Les pleins d’essence, c’était Byzance. Le vinyle à 15 balles ça n’existera plus jamais. Voilà c’est comme ça! Dépense et tais toi !
Vous trouviez que la pandémie, c’était dur? Attendez de voir ! Heureusement, le monde politique est toujours un peu en retard et il est vrai que les artistes souvent n’ont pas cette candeur déplacée des politiciens. Généralement, ces lugubres pisse-froids de l’art critiquent la société même quand elle est faite d’abondance et d’insouciance.
Toujours en train de voir les petits malheurs et les grandes misères, l’artiste peut faire la tronche et il en fait aussi une attitude. C’est le cas par exemple de Why Bonnie, un petit groupe américain qui traîne son spleen post adolescent sur des guitares qui semblent surgir du passé.
Leur album se nomme 90 in November et effectivement, la chanteuse et son groupe nous rappellent la rage à peine contenue de Liz Phair ou des Breeders dans les années 90. Du Texas, le groupe est parti à New York et l’indie sound de Brooklyn leur va bien. C’est un disque un peu brisé car triste mais au lyrisme prudent et étudié. Court et fin, cet album ne respire pas la joie mais ne désespère jamais totalement, profitant de mélodies envoûtantes et d’une voix inspirante.
On apprécie tout autant la voix du Canadien Jonathan Personne, un musicien qui transforme sa tristesse et ses mornes pensées en chansons fortes et marquées par la country et la folk d’Amérique. Mais en version française.
Son album précédent, Disparitions, était marqué par le western. Ses sujets sont d’un classicisme presque vieillot : la mort, la solitude et toutes les joyeusetés de l’existence. Heureusement il a le sens de la mélodie et le verbe haut.
La fin de l’innocence rassemble les huit nouveaux morceaux assez différents les uns des autres pour former un disque séduisant et toujours marqué par les inspirations du sud des États-Unis et les sixties. Mais la nostalgie n’empêche pas une écriture contemporaine, un peu baroque, un peu loufoque et profondément originale.
Silvain Vanot, lui, n’a jamais beaucoup connu l’abondance et l’insouciance. C’est un solide artisan qui compose dans son coin, avec un talent reconnu mais pas assez bankable. C’est le genre de découverte que l’on a envie de garder pour soi. Un songwriter à la française. Un héros trop discret.
Son nouvel album – Il fait soleil – possède une douceur durable. C’est ciselé et précis. Les arrangements sont gourmands et Vanot ne surjoue jamais. Ses chansons ont une amertume toute mesurée. Pour reprendre un de ses titres, il nous vide la tête, avec bienveillance et un goût certain pour les cordes et les guitares.
Avec lui, le quotidien devient une inspiration prenante et enveloppante. Les chansons sont légères mais entêtantes. L’abondance serait une notion presque abstraite ou même vulgaire. Pas besoin de beaucoup pour être heureux. Juste un bon disque par exemple!